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s’il en a l’occasion. Il n’avait apporté à ses campagnes électorales aucune fièvre d’ambition. Quand il vit que la majorité des suffrages ne venait point spontanément à lui, il renonça sans peine et sans regret à les briguer[1].

Cette vie si tranquille et si heureuse eut pourtant ses heures de trouble, on pourrait dire ses drames, mais des drames tout intérieurs,

  1. La note suivante fut envoyée par Renan à un ami pendant la campagne électorale pour lui indiquer dans quel esprit il fallait présenter sa candidature.
    « M. Renan est un homme d’imprévu… Il est difficile d’avance de prédire son développement… Pour s’être occupé surtout du passé, Ernest Renan n’est pas resté étranger au XIXe siècle. Il y a réfléchi… Ses Questions contemporaines… Ce n’est donc pas avec trop d’étonnement que nous avons appris sa candidature en Seine-et-Marne. La circonscription où il se présente est celle qui envoyait à la Chambre La Fayette, Portalis. C’est l’un des pays les plus libéraux de France en politique et en religion. Nous souhaiterions que M. Ernest Renan réussît. Nous croyons qu’en certaines questions il pourrait être de bon conseil. M. Ernest Renan n’est pas un radical ; les divers partis ont contre lui des griefs. Il y a un parti qui n’a pas de grief contre lui : le parti de la liberté. Nous désirerions vivement que les électeurs de Seine-et-Marne soient de cet avis. M. Ernest Renan a ainsi résumé son programme : Pas de révolution, pas de guerre, progrès, liberté. C’est sûrement là le programme du pays où il se présente et peut-être de la province en général. Si M. Ernest Renan devenait un jour le représentant de l’esprit libéral tel que l’entend la province, en opposition avec l’esprit radical de Paris, nous n’en serions pas trop surpris. »
    Tant de modération, de modestie et de nuances n’étaient pas pour entraîner le suffrage universel. Ernest Renan en fit l’expérience.