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besoin d’aimer qui remplissait son cœur. La cité de Dieu lui paraissait trop étroite s’il se contentait d’y faire entrer tous les hommes : il voulait y admettre tous les êtres vivants. « Pourquoi les frères supérieurs repousseraient-ils hors des lois ceux que le Père universel harmonise dans la loi du monde ? » De ce tendre amour pour la nature sont nés l’Oiseau, l’Insecte, la Mer, la Montagne. Déjà, dans ses Origines du Droit, il reprochait aux hommes de manquer de reconnaissance envers les plantes et les animaux, « nos premiers précepteurs », « ces irréprochables enfants de Dieu » qui ont fait l’éducation de l’humanité. Dans le Peuple, il avait élevé une réclamation touchante en faveur des animaux, « ces enfants » dont l’âme est dédaignée, « dont une fée mauvaise empêcha le développement, qui n’ont pu débrouiller le premier songe du berceau, peut-être des âmes punies, humiliées, sur qui pèse une fatalité passagère[1] ». Il avait béni la science qui fait chaque jour découvrir une parenté plus étroite entre les animaux et l’homme. Plus tard, quand la nature le consola des tristesses que lui causaient les hommes, son amour pour

  1. Le Peuple, page 228.