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homme de son vivant, choisit les plus solides pour élever à sa mémoire un monument impérissable.

Il est encore plus difficile de juger avec impartialité un grand homme quand on l’a connu et aimé, quand on peut encore se rappeler le son caressant de sa voix, la finesse de son sourire, la profondeur de son regard, la pression affectueuse de sa main, quand on se sent encore, non seulement subjugué par la supériorité de son esprit, mais comme enveloppé de sa bienveillance et de sa bonté.

À ces difficultés d’ordre général s’en joint une autre quand il s’agit d’un homme tel que fut Ernest Renan. Son œuvre est si considérable et si variée, son érudition était si vaste, les sujets auxquels se sont attachées ses recherches et sa pensée sont si divers qu’il faudrait, pour être en mesure de parler dignement de lui, une science égale à la sienne et un esprit capable comme le sien d’embrasser toutes les connaissances humaines, toute la nature et toute l’histoire[1].

Pour toutes ces raisons, on comprendra que

  1. On consultera sur Renan les études de P. Bourget dans ses Essais de psychologie contemporaine et de J. Lemaitre dans Les contemporains, un remarquable article de Maurice Vernes dans la Revue d’histoire des religions (1893) et surtout la belle notice de J. Darmesteter dans la Revue asiatique (1893).