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parable et un savant de premier ordre. Il égale presque Michelet par l’imagination, mais sans se laisser entraîner par elle ; il cherche comme Taine à démêler dans l’histoire la vérité scientifique, mais il a une plus fine perception des difficultés du problème. Personne n’a su, avec autant de profondeur et de pénétration que lui, démêler et déterminer les conditions et les limites de la connaissance.

Il est nécessaire d’écouter la leçon particulière de chacun de ces trois maîtres. Ils se complètent et se corrigent l’un l’autre. Si l’on craint, en se laissant séduire par les côtés ironiques et sceptiques du génie de Renan, de ne plus voir dans l’histoire qu’un jeu décevant d’apparences imaginaires, on écoutera la voix grave de Taine qui nous ordonne de croire à la science et de découvrir sous les changeantes apparences la vérité positive et les lois immuables de l’univers ; si l’on craint, en suivant les austères et durs enseignements de Taine, de perdre le sens et l’amour de la nature et des hommes, on apprendra de Michelet que dans la poursuite des vérités morales, il ne faut pas s’adresser à l’intelligence seule, mais aussi à l’imagination et au cœur « d’où jaillissent les sources de la vie. »