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courte durée. À l’aurore de concorde et de liberté du printemps de 1848, succédèrent les journées de Juin, l’expédition de Rome de 1849, la réaction de 1850, le coup d’État de 1851. Michelet fut destitué de sa chaire au Collège de France en 1851 ; le refus de serment le força de quitter sa position aux Archives en juin 1852. Ce brusque naufrage de toutes ses espérances, ce silence et cette inaction succédant subitement à une période d’activité fiévreuse et de lutte, étaient faits pour briser son cœur et lui ôter jusqu’à la force de vivre. Bien qu’il continuât à combattre pour les causes qui lui étaient chères en terminant son Histoire de la Révolution (1853), et en racontant les épisodes dramatiques du mouvement de 1848 dans l’est de l’Europe (Pologne et Russie, 1851 ; Principautés danubiennes, 1853 ; Légendes démocratiques du Nord, 1854), il se sentait impuissant et découragé. Il eut succombé à l’accablement et au trouble moral où le jetèrent ces catastrophes s’il n’avait pas eu en lui une puissance indestructible de foi et d’amour, et si un événement heureux n’avait, pour ainsi dire, renouvelé son âme et ne lui avait permis de recommencer une seconde vie.

Vivant loin du monde, absorbé par son travail