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Les rares facultés de l’enfant avaient de bonne heure frappé ses parents. Ils avaient foi en son avenir, ils résolurent de tout sacrifier pour donner à leur fils l’instruction qui lui manquait. Son père réduit au dénûment, sa mère malade, consacrèrent leurs dernières ressources à le faire entrer au collège. Il y trouva des maîtres éminents, MM. Villemain et Leclerc, qui le soutinrent de leur bienveillance, mais aussi des camarades moqueurs qui raillèrent sa pauvreté. Il devint timide, « effarouché comme un hibou en plein jour[1] », chercha la solitude, vécut avec les livres ; mais cette épreuve ne fit que tremper plus fortement son âme. Il sentit ce qu’il valait, prit foi en lui-même.

« Dans ce malheur accompli, privations du présent, craintes de l’avenir, l’ennemi étant à deux pas (1814) et mes ennemis, à moi, se moquant de moi tous les jours, un jour, un jeudi matin, je me ramassai sur moi-même, sans feu (la neige couvrait tout), ne sachant pas si le pain viendrait le soir, tout semblant finir pour moi, j’eus en moi un pur sentiment stoïcien ;

  1. Le Peuple, page 30.