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tour à tour excitées et déçues par tant de révolutions, entraînés malgré eux vers un avenir incertain et redoutable, les plus nobles esprits se réfugiaient dans un dilettantisme égoïste ou dans des rêveries humanitaires. Pour plus d’un, et je suis du nombre, les livres de Michelet ont été alors une consolation et un cordial. On apprenait, en les lisant, à aimer la France, à l’aimer dans son histoire ressuscitée par lui, à l’aimer dans son peuple dont il interprétait les sentiments secrets et les nobles aspirations, à l’aimer dans son sol même, dont il savait si bien peindre le charme et la beauté. Avec lui, on prenait foi dans l’avenir de la patrie, en dépit des tristesses du présent. On ne pouvait échapper à la contagion de son enthousiasme, de ses espérances, de sa jeunesse de cœur.

La vocation qui m’a poussé vers les études historiques, c’est à lui que je la dois. Le premier il m’a ému de sympathie pour ces morts innombrables qui ont été nos ancêtres, qui nous ont fait ce que nous sommes et dont l’histoire retrouve et ressuscite les pensées, les désirs et les passions. Le premier il m’a fait comprendre que, dans l’ébranlement des bases religieuses et politiques de notre vie