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des sources originales, et affirmé qu’il n’y a point d’histoire sans érudition. Mais il faut reconnaître qu’il se servait avec une grande liberté des matériaux ainsi amassés, et que c’était l’homme d’imagination plus que le critique qui décidait de leur valeur relative et de leur emploi. Comme la logique pour Taine, la vie était pour lui la démonstration de la vérité ; de même que la production d’un corps organique par la synthèse chimique d’éléments simples mis fortuitement en présence serait plus démonstrative que la plus rigoureuse des analyses. Sa philosophie historique était si vague et elle donnait une si grande place à l’autonomie humaine qu’elle excluait d’avance toute conception scientifique de l’histoire. Le développement de l’humanité était à ses yeux la lutte de la liberté contre la fatalité, l’ascension à la fois providentielle et volontaire de l’homme vers la pleine autonomie morale. Toute l’histoire était pour lui un vaste symbolisme révélant l’essor progressif de la liberté morale, des religions de l’Orient au Christianisme, du Christianisme à la Réforme, de la Réforme à la Révolution française. Écrire l’histoire, c’est saisir dans chaque époque les faits caractéristiques, dans chaque homme les traits essentiels qui constituent leur valeur symbolique, qui en font des « hiéroglyphes idéographiques ». Heureusement Michelet avait une