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voir des hommes vivants, agissants, parlants, ce critique qui aime par-dessus tout, dans les œuvres littéraires ou artistiques, la force et l’éclat, Shakespeare, Titien, ou Rubens, aurait eu pour faculté dominante une faculté d’ordre purement scientifique et, pour ainsi dire, mathématique ? Il en est ainsi pourtant. Là se trouve sa grandeur et sa faiblesse, le secret de sa puissance et de ses lacunes. Tout se ramène pour lui à un problème de dynamique : l’univers sensible comme le moi humain, une œuvre d’art comme un événement historique. Chacun de ces problèmes est réduit à ses termes les plus simples. Au risque même de mutiler la réalité, la solution est poursuivie avec la rigueur inflexible d’un mathématicien démontrant un théorème, d’un logicien posant un syllogisme. S’il a devant lui un écrivain ou un artiste, il induit ce qu’il a dû être de la race, du milieu et du moment ; puis, quand il a saisi la faculté maîtresse de son individualité, il en déduit tous ses actes et toutes ses œuvres. S’il cherche à déterminer ce qui constitue l’idéal dans l’art, il ne le trouve que dans le degré d’importance et le degré de bienfaisance, c’est-à-dire d’utilité générale, de l’œuvre d’art, et encourt le reproche d’oublier l’élément mystérieux,