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science, voire dans un métier ; il savait les questionner et faire son profit de leurs connaissances spéciales pour l’édifice de ses propres conceptions générales. Il préférait une causerie sur le commerce avec un marchand ou sur le jeu avec un enfant à la frivolité des conversations mondaines ou à la rhétorique des demi-savants. La frivolité déclamatoire ou blagueuse lui était odieuse. L’ironie même lui était étrangère, bien qu’il n’ait manqué ni d’enjouement ni de verve satirique.

Sa modestie avait aussi sa source dans sa bonté et sa bienveillance. Quoique sa philosophie fût assez dure pour l’espèce humaine et classât une bonne partie des hommes au nombre des animaux malfaisants, il était en pratique plein d’indulgence, de pitié, charitable comme tous les humbles de cœur. Il avait même cette bonté plus rare qui rend attentif à éviter tout ce qui peut blesser ou affliger, et c’est dans son cœur que sa courtoisie comme sa modestie avaient leur source. Il avait le respect de l’âme humaine ; il en savait la faiblesse et se gardait de porter la main sur ce qui peut la fortifier contre le mal ou la consoler dans la douleur. C’est ce qui explique la démarche, mal comprise de quelques-uns, par