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n’était plus latente comme dans l’Essai sur Tite-Live, elle se faisait agressive ; elle était développée dans tout l’ouvrage et condensée dans l’introduction en corps de doctrine. M. de Falloux et monseigneur Dupanloup attaquèrent Taine avec violence ; Sainte-Beuve et Guizot le défendirent avec ardeur. Après trois séances de discussions passionnées, l’Académie décida que le prix ne pouvant être donné à M. Taine ne serait décerné à personne[1]. Cette décision sans précédents était le plus flatteur des hommages. Taine ne devait plus se soumettre aux suffrages de l’Académie

  1. Le rapport de M. Villemain est curieux à relire. Il porte la trace de l’amusant embarras où se trouvait cet homme d’esprit. Tout en rendant hommage « à cet important travail d’érudition et d’esprit, œuvre inégale et forte d’un savant et d’un écrivain », M. Villemain déclarait qu’à cette œuvre « était attachée une erreur que le talent ne pouvait corriger et dont parfois il aggravait la portée. C’est la doctrine qui n’explique le monde, la pensée, le génie que par les forces vives de la nature… Toute opinion n’a pas le droit de se faire indifféremment accepter pour un honneur public. La liberté qu’on se donne… doit prévoir et tolérer la libre contradiction, et la libre contradiction peut refuser son suffrage à l’œuvre habile et brillante dont elle juge le principe erroné… Cette erreur, sans cesse et à tout propos reproduite, était trop inséparable du livre. Une redite aussi fréquente n’a pas semblé seulement un défaut de composition, et l’Académie, dans la négation de vérités nécessaires, a vu pour elle l’impossibilité de couronner le talent qui les méconnaît. Elle a décidé qu’on ne donnerait pas le prix cette année. »