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en classe l’éloge de Danton[1]. Malgré l’attitude en apparence bienveillante du recteur, ecclésiastique fort timoré, malgré le succès de Taine comme professeur et l’attachement de ses élèves, qui firent une pétition pour son maintien à Nevers, il fut le 29 mars transféré en rhétorique au lycée de Poitiers, avec un avertissement sévère de M. Fortoul d’avoir à veiller sur ses discours et sa conduite. Mais le lycée de Poitiers était alors étroitement surveillé par l’évêque, monseigneur Pie. Hémardinquer avait déjà dû quitter la rhétorique parce qu’il était juif. Taine ne fut pas plus heureux. Il eut beau accepter avec docilité la situation qui lui était faite, s’interdire toute conversation politique et même la lecture des journaux, paraître deux fois aux offices du mois de Marie pour y écouter une cantatrice parisienne,

  1. Lettre du 28 mars 1852. « Un polisson de seize ans, noble et jésuite, qui l’an dernier était le premier, étant tombé au-dessous du dixième, s’amuse à dire que j’ai fait l’éloge de Danton en classe, et venge sa vanité blessée par des calomnies. Les cancans brodent là-dessus et je suis obligé de me justifier auprès du recteur. Il est vrai que mes quinze autres élèves m’aiment, ont demandé au recteur de me conserver jusqu’à la fin de l’année, et auraient voulu rosser l’Escobar au maillot. Mais ce petit coquin est un trou à ma cuirasse, et quoique je fasse, je serai bientôt blessé par toutes les flèches qu’il me tirera. »