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laissant aller à l’exagération et à la déclamation, aux concetti à l’italienne et à l’emphase espagnole, tout homme sensé le reconnaît ; mais ces défaillances, ou plutôt cet envers de son génie, ne doivent pas diminuer notre reconnaissance pour les services rendus.

Si Victor Hugo ne partage avec personne le mérite d’avoir renouvelé les formes de la poésie française, on ne peut pas revendiquer pour lui au même titre, comme un honneur exclusivement personnel, la gloire d’avoir créé le mouvement romantique ; mais il a certainement joué le premier rôle dans ce mouvement. Il en a tracé, dès 1824, le programme dans les préfaces de Cromwell et des Orientales, et il a été considéré par tous les romantiques comme leur chef d’école. Si madame de Staël et Chateaubriand ont été les vrais initiateurs du mouvement romantique, si Lamartine, Dumas, Balzac et George Sand peuvent lui être préférés, le premier comme poète lyrique, le second comme dramaturge, les deux derniers comme romanciers, Victor Hugo n’en a pas moins formulé le premier les principes de la littérature nouvelle, qu’il a représentée avec plus d’éclat et de puissance que personne. Parmi ces principes, il en est qui peuvent être contestés, et, d’une manière générale, on peut dire que le romantisme, en tant qu’école littéraire, a abouti à un avortement ou du moins à une rapide décadence ; mais les tendances littéraires qui l’ont guidé ont triomphé, et Victor Hugo a été pour beaucoup dans ce triomphe. Ces tendances générales,