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Germinal de M. Zola ; on ne parlait plus que de la santé de Victor Hugo, puis du vide laissé par sa mort. On a été suspendu aux nouvelles de sa maladie avec plus d’anxiété qu’on ne le fut à celles des derniers moments de Thiers ou de Gambetta, et on lui a fait des funérailles qui ne peuvent être comparées qu’au retour des cendres de Napoléon.

Cette émotion, cette douleur, cet enthousiasme peuvent surprendre au premier abord ; on serait tenté d’y voir non seulement de l’exagération, mais même de l’affectation. Lamartine n’était-il pas un aussi grand poète que Victor Hugo ? n’a-t-il pas joué un rôle politique plus considérable ? n’a-t-il pas agi plus fortement encore sur l’âme de ses contemporains ? ne trouve-t-on pas chez lui des idées plus profondes et plus neuves que chez Hugo ? Et pourtant sa mort a passé presque inaperçue. Michelet n’était-il pas un plus grand prosateur que Victor Hugo ? Que sont cependant les honneurs rendus à sa dépouille mortelle, si touchants et si solennels qu’ils aient été, en comparaison de ce concours de tout un peuple rouvrant pour Victor Hugo les portes du Panthéon ? Quand on se rappelle l’habileté consommée avec laquelle les amis de Victor Hugo ont entretenu l’enthousiasme public autour de sa vieillesse, et mis pour ainsi dire son génie en exploitation, on se demande s’il n’y a pas eu dans tout cela quelque mise en scène et un peu de cette badauderie que l’on peut toujours mettre en branle quand on sait se servir de la presse.