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C’était en somme un merveilleux éducateur que cet homme pourtant si peu pédagogue, si peu capable de diriger les détails de la vie, d’épier les défauts des autres ou de les réprimander. C’était l’éducation par l’enthousiasme et l’exemple. Les pensées vulgaires, impures, égoïstes, ne pouvaient pas naître auprès de lui, ou si elles naissaient, elles étaient balayées par le souffle purifiant de cette âme où la candeur de l’enfant se rencontrait avec l’énergie du héros, où les talents les plus éclatants et les plus divers étaient rehaussés par une simplicité charmante, où la haine du mal s’associait à une exquise indulgence pour les hommes, où un amour naïf de la gloire était ennobli par un désintéressement absolu, où tant d’esprit était uni à tant de bonté et à une sincérité si ingénue. Il n’avait ni goût ni aptitude pour cette partie de l’éducation qui consiste à surveiller les petites choses, à mettre des lisières, pour prévenir les chutes ; mais la plus noble partie du rôle de l’éducateur, qui consiste à inspirer, par l’exemple plus encore que par la parole, l’amour de la vérité, l’amour de la liberté, l’amour des hommes, à faire haïr le mal et l’égoïsme, il le remplissait sans effort, en laissant rayonner autour de lui son âme ardente, pure et généreuse.

Vivre auprès de lui était une joie et un bienfait.

Il ne serait pas juste, en parlant de la vertu éducatrice de son influence, de ne pas ajouter que cette influence ne peut pas être séparée de celle qu’exerçait à côté de lui une femme éminente par l’esprit