FUSTEL DE COULANGES. 151
fût pas un juriste de profession et qu’il ait souvent
été taxé d’hérésie par les juristes, il avait passé tant
d’années dans l’étude du droit romain qu’il apportait
dans la solution des questions historiques tout à la
fois la logique et la subtilité des jurisconsultes.
Comme savant, Fustel trouvera toujours des
admirateurs enthousiastes et des adversaires passionnés, et avec justice. Son œuvre est riche en
contradictions soit d’idées, soit de méthode. Il a
écrit des pages virulentes contre la méthode compa-
rative en matière d’histoire des institutions, et
pourtant, la Cité antique est tout entière fondée sur
la méthode comparative, à la fois dans ce qu’elle a
de plus aventureux et de plus contestable, comme
aussi dans ce qu’elle a de plus légitime et de plus
fécond. Même dans le premier volume de ses Institutions franques, il a aussi fait intervenir la
méthode comparative et d’une manière peu heureuse.
Il a maintes fois et avec grande raison préconisé la
soumission absolue aux textes, la nécessité de tenir
compte de tous les textes. Et pourtant son livre sur
Polybe est, avant tout, une construction a priori où
les textes sont admirablement mis au service d’une
idée préconçue. D’une érudition très étendue et toute
de première main, d’un esprit prodigieusement perspicace et inventif, quand il avait entrevu une idée
générale, il voyait les textes accourir en foule pour la
confirmer, et rien n’était plus remarquable que le
mélange de fougue et d’ingéniosité avec lequel il les