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n’était profondément sincère. Mais en présence d’un si sérieux, d’un si puissant amour, on retient même le sourire et l’on se reproche les réserves et les objections mesquines qu’élève en nous le bon sens vulgaire et la froide raison.

Ce qui donnait à son amour pour la nature le caractère d’un culte enthousiaste et passionné, c’est qu’il voyait et aimait en elle plus qu’elle-même. Elle était pour lui la manifestation sensible et multiple d’une réalité invisible, d’une unité suprême que nous ne pouvons percevoir directement ; en un mot, son amour pour la nature n’est qu’une forme de l’adoration de Dieu. Il dit lui-même du livre de l’Oiseau : « Par-dessus la mort et son faux divorce, à travers la vie et ses masques qui déguisent l’unité, il vole, il aime à tire-d’aile, du nid au nid, de l’œuf à l’œuf, de l’amour à l’amour de Dieu[1]. » La nature toute seule ne pouvait satisfaire son cœur. Il avait en lui une vie trop intense pour accepter la mort comme une sentence définitive ;

  1. L’Oiseau, page 57.