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Thierry. Tandis que ceux-ci cherchent dans le passé et y admirent surtout les institutions, les idées ou les tendances qu’ils défendent eux-mêmes dans le présent ; tandis qu’ils laissent voir partout leurs théories et leurs opinions politiques contemporaines, Michelet cherche et admire surtout dans le passé ce qu’il eut d’original, de caractéristique ; il oublie ses propres idées, ses propres sentiments, pour comprendre par une intelligente sympathie les idées et les sentiments des hommes d’autrefois[1]

    suppléant à la Faculté des lettres. Mais le bon accord dura peu. Dès 1835, Guizot lui préféra un catholique fervent, M. Ch. Lenormant. Les hardisses de Michelet l’effrayaient. Celui-ci, de son côté, ne goûta jamais le talent de Guizot. Il lui reprochait d’être peu français dans sa tournure d’esprit, trop anglais dans ses idées politiques, et surtout de manquer du sens de la vie. Un jour, à l’Académie, dans une discussion sur les poëmes de l’Inde, dont Guizot critiquait l’exubérance, Michelet éclata tout à coup : « Vous ne pouvez les comprendre, s’écria-t-il, vous avez toujours haï la vie. »

  1. Dans ses intéressants articles de la Revue politique et littéraire (15, 22 et 29 août 1874), M. Despois a cité un passage du cours de Michelet à la Faculté des lettres en 1835, où il expliquait comment l’historien, pour bien comprendre le passé, devait apporter à son étude, non une froideur impartiale, mais une sympathie chaleu-