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et mes ennemis, à moi, se moquant de moi tous les jours, un jour, un jeudi matin, je me ramassai sur moi-même, sans feu (la neige couvrait tout), ne sachant pas si le pain viendrait le soir, tout semblant finir pour moi, j’eus en moi un pur sentiment stoïcien, je frappai de ma main, crevée par le froid, sur ma table de chêne (que j’ai toujours conservée) et je sentis une joie virile de jeunesse et d’avenir. »

Cette énergie morale qui triomphe par la volonté des fatalités extérieures a soutenu Michelet pendant toute sa vie. Débile et toujours souffrant, l’esprit chez lui soutenait le corps. Sa conception générale de l’histoire semble avoir été inspirée par la lutte, le drame qui faisait sa vie. Là comme ici, c’était une lutte constante entre la fatalité et la liberté.

Le souvenir de ces années pénibles et parfois amères ne s’est jamais effacé de l’esprit de Michelet. Il est arrivé plus tard à la gloire, à la fortune ; mais il n’a point oublié qu’il sortait du peuple et qu’il devait sans doute à cette humble origine quelques-unes de ses meilleures qualités.