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et déchus ; la voix éloquente du seul grand poëte dont le génie eût survécu ne s’élevait que pour maudire la lâcheté de ses concitoyens et l’abaissement de sa patrie. Ce mot même de patrie semblait n’avoir plus de sens. Séparés par un abîme de la France du passé, dont ils avaient perdu les traditions et les croyances, désabusés des espérances de liberté et de progrès tour à tour excitées et détruites par tant de révolutions, entraînés malgré eux vers un avenir incertain et redoutable, les plus nobles esprits se réfugiaient dans un dilettantisme égoïste ou dans des rêveries humanitaires. Pour plus d’un, et je suis du nombre, les livres de Michelet ont été alors une consolation et un cordial. On apprenait, en les lisant, à aimer la France, à l’aimer dans son histoire ressuscitée par lui, à l’aimer dans son peuple dont il interprétait les sentiments secrets et les nobles aspirations, à l’aimer dans son sol même, dont il savait si bien peindre le