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un rythme, une harmonie parfaitement d’accord avec le caractère de la pensée et aussi varié que la pensée elle-même. Son style est comme la notation musicale de sa pensée ; il en suit tous les mouvements, les allées et les retours, les secousses, les saillies ; de là cette variété infinie de rythme ; ces phrases tantôt amples et cadencées, tantôt brèves et saccadées, où les mots agissent à la fois sur l’oreille et sur l’esprit par leur son et par leur sens. Michelet avait besoin de calme et de tranquillité pour noter ainsi ses pensées. Les bruits du dehors l’empêchaient d’entendre le rythme intérieur. Quand, en octobre 1859, au milieu d’une tempête, il cherchait à écrire ses impressions, il vint un moment où il dut s’arrêter ; la violence du vent et de la mer, la fatigue et le manque de sommeil avaient blessé en lui une puissance, « la plus délicate de l’écrivain, le rythme. Ma phrase venait inharmonique. Cette corde, dans mon instrument, la première se trouva cassée ». Ces expressions nous montrent que Michelet sentait qu’il écrivait comme un musicien compose. Dans ce même récit de