Page:Monnier - Les Contes populaires en Italie, 1880.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CONTES POPULAIRES EN ITALIE
59

traditions, on fait, de force ou de gré, le voyage des ludes. Tout y mène, même Giufà, le Jocrisse sicilien.

Les bonnes femmes racontent que Giufà, molesté par les mouches, alla porter plainte contre elles aux juges de son pays. Le juge, ne sachant que faire, lui permit, lui ordonna même de tuer tous les insectes qu’il trouverait sous sa main. Giufà suivit la prescription à l’instant même : une mouche étant allée se poser sur le front du juge, il la tua d’un coup de poing qui cassa en même temps la tête du conseiller malavisé.

Nous connaissons tous cette fable que nous avons lue dans la Fontaine ; avant notre fabuliste, Straparole avait raconté, dans ses Nuits facétieuses, comment un butor, nommé Fortunio, se trouvant au service d’un droguiste de Ferrare et chargé de protéger pendant la sieste le front chauve de son maître, l’avait fendu d’un coup de pilon pour en chasser une mouche qui s’y était plantée impertinemment. Longtemps avant Straparole, l’auteur indien du Pantchatantra (cinq livres de contes et d’apologues qui sont maintenant traduits du sanscrit dans toutes les langues) connaissait déjà l’aventure qui était arrivée, non point à un juge ni à un droguiste, mais à un très-puissant roi. Ce souverain se faisait garder la nuit par un singe qui, pour lui épargner la piqûre d’une abeille, prit un grand sabre et coupa d’un coup l’insecte et la tête de son maître endormi.

Il est certain qu’Hérodote popularisa en Grèce beaucoup de légendes indiennes, et que les Arabes au moyen âge en rapportèrent beaucoup d’autres de l’extrême Orient ; il est probable que ces légendes passèrent dans les fabliaux, puis des fabliaux dans