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CONTES POPULAIRES EN ITALIE

Mais les cicérones affirment que jamais Virgile ne fut enterré là. Son esprit a été enfermé dans un rocher, d’où un enchanteur anglais du temps de Roger de Sicile l’aurait fait sortir, si le peuple ne s’était pas soulevé pour empêcher le sacrilège. Quant aux ossements de Virgile, on les a longtemps gardés au Fort-de-l’Œuf, derrière une forte grille en fer. Si un profane avait osé les tirer de là, une tempête aurait détruit la ville.

Tel est le Virgile napolitain. Le peuple de Sicile ajoute quelques traits à cette histoire. Une fille de Borgetto a raconté à M. Salomone-Marino que le grand magicien, avant d’acquérir toute sa puissance, avait pris pour femme une personne aussi méchante que belle : une « mule de fer, qui le faisait passer par la porte de Castro : » c’est la porte par laquelle on fait entrer dans Palerme, pour les marquer au passage, les béliers, les boucs, les bœufs et autres animaux pareils. À la fin, le mari perdit patience et devint l’ami de Maugis (Malagigi), « le plus fort maître en l’art de commander aux esprits, et de chevaucher le balai. » Ce Maugis, pour les Siciliens, est le chef de la magie ; ils se le représentent maigre, décharné, vêtu de noir, affublé d’une longue robe, coiffé d’un chapeau aplati et traçant des cercles avec la verge qu’il tient à la main. Maugis eut pitié de Virgile et prononça une formule d’incantation, les diables pleuvaient de tous côtés comme des mouches, et en un clin d’œil le poète endoctriné devint le plus fort des magiciens. Il n’avait qu’à faire trois cercles et à prononcer l’évocation ; aussitôt les démons saisis d’effroi se pressaient autour de lui ; il les forçait jour et nuit à venir en foule, « et tantôt leur faisait faire une chose, et tantôt une autre, et ils travaillaient comme des chiens. »