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CONTES POPULAIRES EN ITALIE
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soleil, faite de sang et de lait, et on l’appelait la Belle de Liccari. Qu’est-ce qu’elle fit ? Il vint un jour ici, en Sicile, un empereur du Levant, avec une grande quantité d’armées, et il fit la guerre au royaume. Il fut vainqueur et mit tout à sang et à feu sans pitié ; les vieux et les hommes furent décapités ; les femmes et les enfants tous captifs. Dans le tas était la Belle de Liccari.

— Oh ! puissance de Dieu ! s’écria-t-on, comment donc est-elle si belle ? Tout de suite qu’on la mène à l’empereur !

L’empereur, sitôt qu’il la vit, devint stupide.

— Elle esclave ! dit-il. Rien de cela ; il faut qu’elle soit ma femme.

Il la fit délier (elle était attachée parce qu’elle était prisonnière) et il la prit et l’emmena avec lui dans les parages du Levant et il lui mit sur la tête la couronne d’impératrice. Dans le Levant, il y avait neuf empereurs plus petits (moins puissants,) qui étaient soumis à celui qui avait pris la Belle de Liccari, et lui payaient tant par an comme tribut. Comme ils vont et voient cette extrême beauté, ils lui tombent aux pieds avec toutes leurs couronnes.

— Majesté, dirent-ils, vous êtes si belle, que nous voulons être vos esclaves ; commandez, et nous et nos royaumes nous sommes tous sous votre domination.

Et tous les neuf lui présentèrent leurs couronnes. C’est ici qu’on voit combien est puissante la beauté sicilienne… La Belle de Liccari ne pouvait naître que chez nous, et la renommée de sa beauté a passé en proverbe :

            Riche, heureuse, elle vécut bien ;
            Nous, pauvres gens, nous n’avons rien.