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CONTES POPULAIRES EN ITALIE
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— Ah ! c’est comme cela ? s’écria Gros-Jean. Tu auras ma réponse.

Il se tient hors de la porte, et à toutes les âmes qui arrivent, il dit de sa forte Voix :

— Au nom de frère Jean, toutes ces âmes dans ma besace !

Et il n’entra plus personne au paradis. Saint Pierre dit au Seigneur :

— Pourquoi ne vient-il plus personne ?

— C’est que Gros-Jean est dehors, qui prend toutes les âmes dans son sac.

— Et maintenant qu’allons-nous faire ?

— Vois si tu peux attraper sa besace et tâche de l’apporter ici !

Frère Gros-Jean entendait du dehors ce qu’ils disaient ; que fit-il alors ? Il cria (mais pas bien fort :)

— Moi-même dans ma besace !

Et il s’y fourra sur-le-champ. Saint Pierre ouvrit la porte et regarda dehors : plus de moine ! Vite il enlève le sac et l’introduit dans le paradis, puis il l’ouvre vivement ; c’est Gros-Jean qu’il y trouve. Il veut alors le prendre au collet et le jeter à la porte ; mais le Seigneur l’arrête par un proverbe en patois sicilien :

            Dans la maison de Jésus,
            Quand on entre, on n’en sort plus.

C’est là un fabliau qui se retrouve dans toutes les littératures, mais on aurait tort d’y voir la moindre impiété. Le Sicilien, au moins jusqu’en 1860, était fort dévot, sinon parfaitement orthodoxe ; sa religion était un polythéisme passionné qui, tout en conservant beaucoup de traditions païennes, ne s’insurgeait aucunement contre la discipline de l’église