Gros-Jean va frapper à la porte de l’enfer ; Lucifer gronde : Qui va là ?
— Frère Gros-Jean.
Lucifer, à ce nom, hèle tous ses diables.
— Toi, dit-il à l’un, prends ton bâton ; toi, le marteau ; toi, les tenailles.
— Que voulez-vous faire de tous ces instruments ? demanda le -moine.
— Nous voulons te tuer.
— Au nom de frère Gros-Jean, tous les diables dans ma besace !
Ainsi cria le mort et, prenant son sac sur ses épaules, il le porta chez un forgeron qui avait huit ouvriers ; avec le maître, ils étaient neuf.
— Maître forgeron, combien demandez-vous pour donner pendant huit jours et huit nuits des coups de marteau sur cette besace ?
Ils fixèrent le prix de quarante onces ; ils martelèrent nuit et jour, et la besace ne s’aplatissait pas ; le moine était toujours présent. Le dernier jour le forgeron s’écria :
— Il y a ici des diables.
— Il y en a, répondit Gros-Jean, martelez fort !
L’opération faite, il reprit sa besace et l’alla vider dans une plaine ; les diables étaient tous boiteux, estropiés, et il fallut de la violence pour les faire rentrer dans l’enfer. Et le moine alla heurter de plus belle à la porte du paradis :
— Qui est là ?
— Frère Gros-Jean.
— Il n’y a pas de place pour toi.
— Mon petit Pierre, laisse-moi entrer, sans quoi je t’appelle teigneux.
— Puisque tu m’as dit teigneux, répond saint Pierre, tu n’entreras plus.