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CONTES POPULAIRES EN ITALIE
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Le Maître s’en alla ; quand il fut déjà loin, il s’entendit appeler.

— Maître ! Maître ! C’était Gros-Jean qui ajouta :

— Attendez, je demande une grâce de vous : c’est de pouvoir enfermer qui je veux dans ma besace.

— Que cela te soit accordé, dit le Seigneur.

Frère Gros-Jean était vieux ; survint la Mort qui lui dit :

— Tu n’as plus que trois heures à vivre.

— Quand tu voudras de moi, répondit Gros-Jean, viens m’avertir une demi-heure d’avance.

Revint la Mort qui lui dit :

— Me voilà, tu es un homme fini.

Le moine alors s’écria solennellement :

— Au nom de frère Gros-Jean, que la Mort entre dans ma besace ! Puis il alla chez la boulangère :

— Commère, voici mon sac ; pendez-le à la cheminée jusqu’à mon retour.

Pendant quarante ans il ne mourut plus personne. Les quarante ans passés, Gros-Jean alla chercher sa besace pour libérer la Mort et mourir, car il était plus que vieux et ne se tenait plus sur ses pieds. La Mort sortit et prit Gros-Jean d’abord, puis tous ceux qui depuis quarante ans auraient dû mourir. Le moine alla frapper à la porte du paradis, mais saint Pierre lui cria :

— Il n’y a pas de place ici pour toi.

— Où dois-je donc aller ?

— Dans le purgatoire.

Gros-Jean va frapper à la porte du purgatoire, mais là aussi on lui crie :

— Il n’y a pas de place pour toi.

— Où dois-je donc aller ?

— Dans l’enfer.