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CONTES POPULAIRES EN ITALIE

Un ange descendit avec la feuille, « Tenez-la bien. » Elle la prit et la tint ferme ; mais toutes ces pauvres âmes damnées qui étaient auprès d’elle s’accrochèrent à sa robe et l’ange tirait au ciel toute une queue de damnés. Que fit alors la duègne ? Elle se mit à donner des coups de pied et à secouer sa robe pour les faire tomber. Le mouvement déchira la feuille et la méchante femme retourna dans l’enfer plus bas qu’avant.

Ici finit le conte de la Messia, et voilà pourquoi dans toute la Sicile, en Vénétie, en Toscane, dans le Frioul, quand on veut désigner une créature rapace, égoïste et sans cœur, on dit : C’est une mère de saint Pierre.

Veut-on, avant de quitter les sujets religieux, une variante sicilienne d’une légende qui a couru dans tous les pays, notamment en France où elle a été republiée de nos jours : l’histoire nouvelle et divertissante du bonhomme Misère ? Le héros du conte a nom Frate Ulivo en Toscane, Accaciuni à Palerme, et frère Giugannuni à Gasteltermini. Ce dernier (car il faut choisir) était un moine d’un riche couvent qui existait déjà du temps que le Seigneur cheminait avec les apôtres et que, voyageant comme on sait en Sicile, il alla visiter le couvent de Gasteltermini. Tous les chevaliers et les moines se pressèrent autour de Jésus pour lui demander la « grâce de l’âme, » mais frère Giugannuni ou Gros-Jean ne demandait rien.

— Pourquoi, lui dit saint Pierre, ne fais-tu pas comme les autres ?

— Je ne veux rien demander, répondit le frère.

— Bien ! reprit saint Pierre, quand tu iras en paradis, tu auras affaire à moi.