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CONTES POPULAIRES EN ITALIE
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à leur place. Les prisons ont des chansons et des épopées qui excitent l’enthousiasme et malheureusement aussi l’émulation des honnêtes gens. Il faut lire l’histoire des bandits Gioacchino Leto, Filippo Ardito, Gianciabella, Orofino, Chiappara, Giordano, leurs misères dans ce monde et dans l’autre, comment saint Pierre, qui se conduisit fort mal en cette circonstance, repoussa dans l’enfer un de ces héros qui tentait de lui échapper, comment Cianciabella demeure béni dans la mémoire des hommes, car c’est « un bandit qui ne fit jamais de tort à qui que ce fût ; » tous d’ailleurs sont innocents et purs comme la Sainte Vierge.

Le brigand est intéressant dans ce pays étrange ; bien plus, l’échafaud est sacré ; on le regarde comme un autel où se font des sacrifices humains et les victimes deviennent des divinités bienfaisantes. Il existe à Palerme, depuis deux siècles, une église consacrée « aux âmes des décollés. » À Paceco, commune de la province de Trapani, l’on voue une sorte de culte à la mémoire d’un paysan, nommé Francesco Frusteri, qui avait tué sa propre mère ; les gens de la ville et de tout le pays se rendent à pied en pèlerinage, en procession même, dans ce petit endroit, en portant des images où l’on voit le saint homme montant sur l’échafaud. Depuis sa mort, ce Frusteri a fait quantité de miracles, et une paroi de l’église où il est enterré porte cette inscription : « Francesco Frusteri est mort résigné et contrit en subissant le dernier supplice, de manière à inspirer l’admiration publique, le 15 novembre 1817. »

Dans l’église de Palerme qu’on appelle aujourd’hui madonna del Fiume, parce qu’elle s’élève au bord d’un fleuve, se trouvent quantité de petits tableaux représentant des Siciliens, et même des ga-