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CONTES POPULAIRES EN ITALIE
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faire. Un petit robin de rien, un simple clerc vint à lui et s’offrit pour le défendre.

— Vous ? lui dit l’étranger. J’ai eu le dieu des avocats et j’ai perdu : quel appui pouvez-vous me prêter ?

Mais le clerc y mit tant d’insistance que l’étranger lui permit de tenter un dernier effort. À l’audience, au moment où les juges allaient prononcer un arrêt définitif, le clerc se précipita dans la salle tout effaré et ses deux bras en l’air :

— À l’aide, à l’aide ! les thons de l’Arenella prennent le chemin de Palerme et vont venir nous manger tous.

— Que diable dites-vous ? demanda le juge. Comment est-il possible que des poissons de mer viennent ici ?

— Et comment est-il possible, reprit le clerc, que deux œufs cuits durs fassent des poulets et qu’il en sorte des bergeries ?

Les juges se rendirent à cette bonne raison, et l’hôtelier perdit tout, même les 50 onces.

Les passions, les glorioles, les jalousies de clocher offrent encore aux Siciliens bien des sujets de raillerie. Les petits endroits, même les grands, n’ont jamais beaucoup aimé leurs voisins, en Italie surtout, où le sentiment national, l’idée de la grande patrie commune n’a été longtemps qu’une utopie littéraire. « Trois châteaux, trois couteaux, voilà Italie, » disait Giusti qui souffrait cruellement de ces divisions. Lors des commotions politiques, les bandes ennemies profitaient de l’occasion pour assouvir des rancunes qui remontaient peut-être au siècle des Capulets et des Montaigus. En temps de paix, les communes qui ne s’arment pas continuent la guerre à coups de langue et, pour ne parler