Page:Monnier - Les Contes populaires en Italie, 1880.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CONTES POPULAIRES EN ITALIE
15

— Comment donc fallait-il dire ?

— « Seigneur, faites-les rire ! » répondirent les mariés furibonds.

Giufà poussa ce dernier cri en passant devant un mort entouré de gens en larmes. Ce ne fut pas la dernière de ses mésaventures ; il était parti le matin pour aller laver ses tripes et ne rentra que le soir chez son maître, le tavernier, qui le mit dehors.

L’autre personnage comique est le valet malin, facétieux et retors, qui se moque de ses maîtres et de tout le monde, celui que notre Molière a fait venir de Naples et qu’il a baptisé Scapin. Les Siciliens le nomment Firrazzano, et lui prêtent toutes les niches, lazzis, bons ou mauvais tours que jouent à Turin Gianduja, Arlequin à Bergame, Grispin, Covielle, Mascarille et tant d’autres sur les théâtres de tous les pays. Ses méfaits rempliraient des volumes. Le fripon est mort impénitent, à ce qu’affirme la légende. Le confesseur qui était venu l’assister à ses derniers moments lui disait la phrase consacrée :

— Firrazzano, mon fils, il y a mort et vie, et le Seigneur vient par grâce. Pense combien tu en as fait au Seigneur !

— Cela est vrai, répondit le moribond ; mais ce que le Seigneur me fait en ce moment je ne l’oublierai jamais.

Les Siciliens admirent beaucoup ce fripon de Firrazzano. Ne leur jetons pas trop la pierre ; dans cette île, où le peuple n’a jamais été souverain, ni même indépendant, il n’a jamais pu opposer à la prépotence des grands que la force des petits, la ruse. Aussi ses contes sont-ils pleins de stratagèmes et de fourberies ; les dupes doivent duper à leur tour pour devenir sympathiques.