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CONTES POPULAIRES EN ITALIE

comme un changement nécessaire d’état et de besogne ; si elle le désire, c’est surtout dans l’idée d’être maitresse chez elle et de prendre le commandement de la maison. Aussi ne commence-t-elle à penser à ces choses-là que vers sa dix-huitième année ; ce serait peut-être assez tôt chez nous, mais n’oubliez pas que nous sommes en Italie. Les Bolonais ont un adage très moral, dans sa pittoresque rusticité ; ils vous disent d’une jeune personne : L’ha premma da far el i oss per se e po dop pr’ i ater. (Il faut d’abord qu’elle fasse des os pour elle-même, et après pour les autres). Cependant, même quand elle a passé dix-huit ans, la contadine donne toute sa semaine au travail ; les émotions tendres sont réservées pour les dimanches et les jours fériés. Voici comment se nouent ces romans de village.

Le dimanche matin, la jeune fille se rend aux champs, comme de coutume, et va remplir un sac d’herbages pour le bétail. Elle rentre, balaye la maison, prépare le déjeuner, se fait belle, puis va dévotement à la messe qui ne se dit pas toujours à sa porte ; elle a souvent des lieues à faire pour accomplir ce devoir religieux. Pour les montagnardes surtout c’est tout un voyage. C’est d’ordinaire pendant ces courses lointaines qu’elles trouvent leur futur tyran. Un jeune homme attend une jeune fille à la sortie de l’église et l’accompagne de là, sans lui rien dire, jusqu’à une certaine distance de la maison ; il la salue alors et s’en va ; ce salut signifie : au revoir ! La jeune fille dîne gaiement, puis elle retourne aux champs avec son sac, attendu qu’il faut encore penser au dîner des bêtes. Après quoi elle reprend le chemin de l’église, à vêpres, et rencontre de nouveau le garçon qui l’a ramenée le matin. Tout deux vont côte à côte jusqu’à la porte de l’église où