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Du vertige entr’ouvrit les ailes de cristal ;
Puis, étendant la main dans un geste royal,
Il désignait au barde une étroite vallée,
Au pied des monts fleuris, de noirs chalets peuplée.
— « Du voyage, dit-il, tu me semble lassé,
» Et d’être ici, je crois, tu te fusses passé.
» Bien qu’un chanteur là-bas ne soit guère à son aise,
» Viens donc dans mes vallons cueillir aussi la fraise,
» Tendre une main de frère à mes sylphes légers,
» Sur la verte pelouse au milieu des rochers.
» Si tu savais, ami, que la nature est belle
» Lorsqu’au creux du vallon, l’alizier pâle et frêle
» Sur le bord de mes lacs roule son chant du soir,
» Et que là, dans les fleurs, nous allons nous asseoir !
» Alors, du val d’amour nous chantons le mystère ;
» De parfums et de fleurs nous arrosons la terre,
» Et sur ce grand autel, au Seigneur consacré,
» Pour lui, nous cultivons le calice doré
» De l’anémone… ou bien notre robe distille
» Des gouttes de cristal parmi le bleu myrtille.
» Ah ! viens ! si tu savais qu’il est de volupté
» À sonder en secret la terre et sa beauté,
» À vivre devant Dieu d’amour et de silence,
» D’extase et de repos ! Puis le vent nous balance
» Dans nos robes d’azur au miroir des lacs frais.
» Sous les rocs buissonneux, à l’ombre des forêts,