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Et voici la limite, et l’Alpe étincelante
Expire en rayonnant dans l’ombre mugissante.

Aux bords toujours plus froids d’un ciel toujours plus pur
Les Alpes entassaient en groupes fantastiques
Les informes donjons, et les dômes antiques
De leurs pâles cités qu’ensevelit l’azur.
Dormant au fond des nuits, ces blanches Babylones
Dans les champs éthérés découpent leurs remparts,
Et leurs portiques d’or, perdus dans les brouillards,
Sans bruit fument au loin sur ces tremblantes zones.
De ce pic isolé tout vêtu de frimas
Se déroulent sans fin de longs tapis de neige,
Étincelants parquets où le pied qui s’allége
Se meut sans avancer, crie et ne s’entend pas.
Dans les ombreux vallons de la neige éternelle
Se plonge le chamois libre et silencieux.
Voyez, rien dans la glace et le souffle des cieux
N’a troublé le velours de sa robe isabelle.
Il s’éclipse ! et bientôt sur ce pic écarté,
Pour goûter seul encor le bonheur de son être,
Dans les roses du soir il s’en va reparaître,
Aspirant loin du monde un vent de liberté.

Cependant le chasseur, las d’un jeu qui l’accable,
Sans plus dissimuler son rôle inconcevable,