Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Mon cœur se glace à voir la terre de si haut. »
— « Oui, mais sa face est blanche et n’a plus de défaut, »
Dit l’Esprit, élevant dans sa grâce funeste
Des yeux où se peignaient un souvenir céleste.
« Courage ! le sol manque et nous touchons aux cieux ! »
Ranimé par son chant, le poète orgueilleux
S’élève avec effort sur la neige épaissie ;
Mais le soleil penché sur la plaine éclaircie,
Comme une roue ardente au bras illimité,
De ses obliques feux dore l’immensité.
L’ombre se précipite… Un chant des bois s’élève,
Cantique de soupirs, musique d’un beau rêve,
Dont le ciel a bercé nos sommeils d’autrefois.
On dirait dans la plaine ouïr les mille voix
Des archanges tombés, pleurant dans la poussière,
Qui, dans leurs longs regrets et leur vaste prière,
Ensemble vers le ciel poussent un cri d’espoir.
— « Vois, reprit le chasseur, Dieu t’accorde un beau soir ;
» Rends grâce à mon amour, grâce à ma poésie,
» Grâce au sublime élan dont ton ame est saisie.
» Sans mes ailes, poète, eh ! qui donc eût plané
» Sur ce monde à tes pieds aujourd’hui prosterné ? »
Mais ils ont disparu. La neige fine et dure
Tourbillonne autour d’eux, dévore leur figure,
Et le souffle âpre et noir qui siffle et les poursuit
Les porte vers la cime et l’éternelle nuit.