Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ébranla par trois fois la porte palpitante…
— « Hourrah ! dit le chasseur… C’est l’orage ! ta voix
» Des rivages du lac est montée en mes bois ;
» Ta plainte a des échos dans mon cœur solitaire ;
» Ouvre, de ta douleur j’ai compris le mystère. »
— « Sur mon ame, c’est lui ! dit le pâtre à genoux,
» Qu’il vienne cependant, je ne crains pas ses coups.
» Car je sais à qui croire au fort de la tempête. »
Lors, auprès du foyer penchant sa blonde tête,
Et présentant sa Bible à la pâleur du jour,
Dans la page divine il lut avec amour.
Le rire du Chasseur accueillit sa lecture ;
Comme pour étouffer la voix de l’Écriture,
Sa voix de l’avalanche eut le mugissement
On eût dit dans l’abîme un vaste éboulement,
Les chariots d’airain d’une armée en défaite,
Roulant par les vallons dans un vent de tempête ?
Mais, ô surprise !… Il entre, il s’assied au foyer.
D’un souvenir du ciel son front paraît briller.
Rien n’altère des traits cette chaste harmonie,
Primitif hyménée où l’âme au corps unie,
L’un et l’autre toujours s’empruntant leur clarté,
Sont le double reflet d’une même beauté.
Quelle pâleur !… pourtant, la mort qui s’y révèle
N’a pas encore éteint sous sa froide prunelle
L’amour de ses yeux bleus par un songe voilés.