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De son hôte épiant la muette colère,
— « Où vas-tu ? » dit le pâtre (et sa longue paupière
Voilait le clair azur de son œil curieux.)
L’autre lui répondit, sans relever les yeux :
— « Mon ame est endormie ! Elle aspire en voyage
» À retremper sa foi dans l’éternel orage.

Et sa main désignait les faîtes crénelés
Des châteaux du désert au ciel accumulés ;
— « Frère ! crois-moi ! Là-haut jamais l’ame ne doute,
» Et dans sa noble extase, aux Alpes, elle écoute,
» Se rencontrant au loin par le vague des airs,
» Les promesses des cieux et les cris des déserts ! »
— « Mais la Mort ? dit le pâtre. » — « Eh ! la mort ! qu’elle vienne !
» J’aime sa voix sublime, et sa lyre est chrétienne.
» Vienne l’esprit d’orage !… Ami, je veux demain
» Monter à sa rencontre et croiser son chemin ! »
— « Ton audace est folie et tes vœux sont blasphème, »
Dit l’autre et ses deux mains voilaient sa face blême,
« Sais-tu qu’en temps d’orage il descend de ces monts
» Un chasseur colossal, digne ami des démons. »
— « Tu mens ! dit le Poète, et puisqu’il faut le dire,
» S’il vient un ange ici, c’est l’ange de ma lyre !
» Oui, ma lyre, en ces lieux où s’égarent mes pas
» Lui demande la foi, des chants ou le trépas. »
Mais à peine a-t-il dit, qu’une épaule pesante