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» Peut-être qu’attendant ces fleurs d’un autre monde,
Tu dors enseveli dans cette nuit profonde,
Où mon étoile encor s’égare pour un temps…
Ou m’as-tu devancé vers de plus beaux rivages,
Hirondelle du cœur, qui crains tous les orages,
Pour m’y prédire un doux printemps ?

» Je ne sais !… Au désert je te poursuis encore.
L’instinct de la beauté, dont le barde s’honore,
Sur les Alpes m’a dit qu’on trouvait le bonheur.
J’ignore le destin que la lyre y prépare ;
Mais j’ai maudit la plaine, et là-haut je m’égare…
Poète, éternel voyageur ! »

— Il dit ! Sur le vallon la lune tendre et pâle
A blanchi tout d’un coup la zône orientale,
Argentant les sommets neigeux et décharnés
Que le ciel de brouillards au loin a couronnés.
Sur le col âpre et froid sa face encor voilée
Errait comme un esquif dans la neige perlée,
Puis, s’inclinant au fond du précipice obscur,
Y sillait sur un lac, dans des ombres d’azur.

Pareils aux chœurs voilés qui blanchissent les dalles,
Prosternés sur le soir au fond des cathédrales,
Les pics se prolongeaient pâles, mystérieux,
Sous le profond cristal du lac silencieux.