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» Oui, du jour où ta main n’éveilla plus ma lyre 6
J’eus de profonds secrets et des pleurs à te dire.
Gardien du berceau, des naïves amours,
Dans mes rêves du soir souvent ma voix t’implore ;
Et, tourné vers les cieux, je crois t’ouïr encore
Comme un écho de mes beaux jours.

» Les hommes n’ont jamais accueilli d’un sourire
Les accords méconnus de mon intime lyre…
Depuis ton jour d’adieux tout mon rêve est passé !
Comme un pavillon noir, ils ont sur ma ruine
Arboré le manteau de ma muse enfantine,
Et l’avenir s’est effacé !

» Effacé pour toujours ! Les pensers d’espérance
Ferment leurs ailes d’or au vent de la souffrance.
La mort seule m’apporte en son vol soucieux
Son arc-en-ciel de pleurs et sa lyre de flamme,
Dont la plainte sublime éveille au fond de l’ame
Tant de désirs harmonieux.

» Effacé pour toujours ! Déjà, dans ma paupière,
Goutte à goutte ont tari les pleurs de la prière,
Que les cieux recueillaient dans leurs coupes d’amour.
Plus d’aspiration d’une céleste vie !
Plus de lyre ou de voix, pour que du moins j’oublie
L’exil… en chantant le retour.