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III

La plainte du voyageur.



Mais lui ? Mais le poète ? Indiquez-nous sa voie ;
Tandis qu’à l’engloutir les monts tremblent de joie,
Que le subtil chasseur par les monts et les vaux
S’égare et le poursuit, et de cris indévots
Ébranle la forêt… Où donc est le poète ?
Venez, je trouverai sa sauvage retraite…
Mais qu’entends-je ? et quels cris ont frappé le vallon ?
La neige qui se lève en épais tourbillon
D’une sombre musique emporte les bouffées,
Et déjà du chasseur les clameurs étouffées
Près des cieux ont repris un accent clair et fort,
Sinistre avant-coureur de tempête et de mort.
Il fait froid dans mon ame ! Adieu ! mais non, silence !
De l’Alpe rembrunie un autre chant s’élance.
C’est lui ! c’est le poète ! Au sein des noirs débris,
Dans les vallons de l’air la nuit l’avait surpris.
Ralentissant l’ardeur de sa course rapide,
Il tourne vers les cieux une paupière humide,
Et tente, pour distraire un instant sa douleur,
Ce chant mélancolique échappé de son cœur :