Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Quoi ! ne sauriez-vous pas, ma peuplade si belle,
» Que toute poésie est un pacte avec nous ?
» Nous, fils de la nature ! enchanteurs ! jeunes fous !
» Qui courons sur les lacs, par les bois, dans l’abîme,
» Et pour qui cette terre est un rêve sublime…
» Encore un jour ! une heure ! et le poète aussi
» Pourra rire avec nous et chanter sans souci.
» Reposez-vous sur moi du soin d’un tel prestige. »
Il dit, et, reployant les ailes du vertige,
Sur son épaule blanche il déroule un manteau.
Il imite les traits du chasseur pâle et beau
Dont le soir, au chalet, les blonds vachers devisent,
Près de l’âtre, à voix basse. En temps d’orage ils disent
Que, descendant des monts, ce chasseur colossal
Aux portes des chalets va frapper dans le val,
Criant : « Hourrah ! » · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
De plus, l’esprit des monts s’apprête à revêtir
Les pâleurs de la mort ; car il sait que, martyr
De la lyre et du chant, l’infortuné poète
S’exila de la plaine et par les monts répète :
« Ange des premiers jours ! Ô muse ! volupté !
» Doux souvenir du ciel, pourquoi m’as-tu quitté ?
» Sur l’aile de la mort, que mon ame inspirée
» Retourne visiter ta céleste contrée !
» Là, je vécus de foi, d’espérance et d’amour !
» Viens !… sur ces monts glacés j’implore ton retour !