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Dans vos secrets vallons, séjour de volupté,
Ce soir, ont contre lui méchamment comploté.
Sur les bords de l’eau claire, à l’ombre des mélèzes,
Leurs doigts avaient cueilli le rosage et les fraises,
Et, cadençant leur vol aux divines chansons,
Dans leur danse indécise ils rasaient les gazons.
Sur la brise réglant leur suave harmonie,
Ils chantaient du bleu ciel la douceur infinie,
Et sous leurs pas légers le gazon incliné
Remplissait de senteurs le val abandonné.
Mais quand à son d’airain la chapelle isolée
Pleura son chant du soir dans l’humide vallée :
— « Frères, dit l’un d’entr’eux, dont les yeux purs et noirs
» Dans les bois s’allumaient à la lueur des soirs,
» D’ici, j’ai vu monter un barde tout en larmes
» Sur le rebord des rocs. Or, c’est l’heure des charmes.
» Ce soir notre nature aura tant de beauté !…
» Amis, qu’en son honneur il soit précipité
» De là haut dans ce val ! Car notre destinée
» Est de mieux resserrer les liens d’hyménée
» Dont nature enchaîna les bardes amoureux.
» Or, la mort est toujours un fort lien pour eux.
» Vous savez, en effet, rien ne meurt sur la terre,
» Et ce qu’on dit la mort n’est qu’un profond mystère,
» Un hymen plus intime entre le monde et nous !
» Et c’est pourquoi, faisant au barde un sort plus doux,