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Comme on voit, vers le soir, sur les montagnes pâles
Une seconde aurore interrompre la nuit,
Repentir fugitif du soleil qui s’enfuit.
Ou bien ne fûtes-vous au fond de ma pensée
Qu’un rayon pâlissant sur une onde glacée ?
Le passage d’un ange, au vol capricieux,
Qui, plongeant dans mon sein la clarté de ses yeux,
S’enfuit, intimidé par les bruits de la terre,
Dormir dans les rayons d’une plus chaste sphère ?


Ainsi j’aurais voulu, sur la terre d’exil,
Des deux éternités renouant le long fil,
Que l’on vécût de force et non de souvenance,
De regrets superflus, de stérile espérance ;
Qu’entre naître et mourir, ces pôles lumineux,
On pût dormir la vie, on pût rêver les cieux.


Ô foi ! muet langage ! ineffables échanges
Du Dieu qui s’est fait homme à nous qu’il fit des anges !
Sommeil anticipé dans les palais de Dieu !
Sois-moi pour ce qui passe un éternel adieu !
Verse sur moi l’oubli ! Cette vie accablante
Est si brève en arrière, et devant moi si lente,
Qu’abandonnant l’espoir plutôt qu’un souvenir,
Je dis : j’ai vu les cieux ; il me reste à mourir !