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Les voilà, les soupirs que la mélancolie
Parfois a réveillés sur ma lyre appauvrie ;
Voix de ce qui m’échappe et ne reviendra pas,
C’est toi qui me prédis un précoce trépas !…


Ah ! sans doute, trop tôt j’ai cru voir disparaître
Ces demeures d’iris d’où s’élança mon être !…
Trop tôt j’avais connu l’attrait du souvenir.
Les pleurs sont du passé… Regretter, c’est mourir !
Si du moins nous savions conserver à nos larmes
Leur céleste parfum, leurs mystérieux charmes,
Et si, pour les répandre, on en sauvait le miel,
Souvenir des beaux jours, triste gage du ciel !…
Mais l’homme qui vieillit en détruit le mystère.
Les pleurs que Dieu lui donne, il les rend à la terre,
Et quand s’ouvre des cieux l’éternel horizon
C’est sa fange qu’il pleure… et sa froide prison !
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Oui, quand viendra la mort, peut-être oublîrons-nous
Ces premiers jours où l’ame, ange aux regards si doux,
Déjà prenait son vol, riante d’innocence,
Vers la sphère où tout s’use, où rien ne recommence !…
Peut-être oublîrons-nous que nos fronts ont quitté
Leur couronne d’amour et d’immortalité !…
Reviendrez-vous encore, ô lueurs idéales !