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demeures pour les ames ? Ou bien, serait-ce peut-être cet espace illimité, cet ordre sans vie, ce vague néant, ce ciel décoloré du panthéisme ? Quelques vers répandus çà et là nous conduiraient plutôt à cette dernière idée, et en ceci l’on peut dire que Monneron a subi l’influence de son siècle. Siècle étrange ! il est positif, matériel plus que nul autre ne le fut jamais, et sa poésie est vaporeuse comme l’horizon brumeux de la mer. Il en est de lui comme il en fut jadis des bardes de l’Écosse. « La religion s’est retirée, mais elle a laissé un vide immense, et il s’est rempli de fantômes. » Ces fantômes, plus rationnels peut-être, ne sont ni plus beaux ni plus consolants que ceux d’Ossian.

Mais, si l’on examine la chose plus à fond, on arrivera à une tout autre idée. Une vie intellectuelle un peu mystique, un sentiment profond de la nature, ces angoisses, ces doutes auxquels une ame sérieuse ne saurait échapper, ont inspiré à Monneron quelques vers empreints de cette poésie incertaine, quelques accents où, dans sa tristesse, il semble invoquer le néant. Ainsi, après avoir montré l’Alouette victime de son vol téméraire, il nous invite à la suivre ; car, dit-il,

« Les cieux ont au moins des tombeaux
Pour qui s’envole avec audace. »