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qu’on aurait tort, en voulant juger Monneron comme un poète accompli, dont toutes les fautes sont imputables. Il est jeune, il ne se possède pas pleinement, et, si la plupart de ses morceaux sont des ébauches, ce sont au moins des ébauches admirables.


Dans le domaine moral, Monneron n’est pas moins intéressant à étudier. Quelques idées fort simples, ou plutôt quelques sentiments sur les rapports entre ce qui passe et ce qui est éternel, ont dominé toute sa poésie. Pour le connaître, il faut les avoir compris.

Le monde qui nous entoure, la vie que nous sommes forcés de subir, ne sont pour lui ni le véritable monde, ni la véritable vie. Il y a tant de désaccord dans l’un, tant de souffrances dans l’autre, qu’ils ne peuvent suffire à une ame de poète, avide comme la sienne. Aussi la plus ferme de ses croyances le reporte sans cesse vers un monde supérieur, seul éternel, seul vrai, qui devient l’objet de tous ses désirs. Cette vie a trop de douleurs pour être la vie réelle ; ce monde, trop de ténèbres pour que l’ame, fille de la lumière, puisse y trouver sa patrie. Où donc est l’harmonie ? Si elle n’est pas ici-bas, elle doit être ailleurs, car elle est quelque part. Cette conviction est au fond de toute poésie ; si le poète l’oubliait, il s’abjurerait lui-même,