Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fine, si elle est souillée d’une couche de terre. Ils n’ont pas pour la poésie tout le respect qui lui est dû, et l’on peut dire que parfois ce n’est qu’une monnaie courante dont ils sont prodigues. Aussi y a-t-il peu de chefs-d’œuvre, même dans leurs recueils les plus distingués.

Si donc sur le petit nombre de morceaux qui composent ce volume, il en est un ou deux qui approchent de cette perfection trop rare, nous pouvons être fiers à juste titre. Or, il y en a deux, ce nous semble. Le premier, c’est la plainte intitulée : À Vous ; le second, c’est la ballade des Deux Buveurs. Peut-être l’Alouette, telle que nous l’avons donnée dans sa première forme, pourrait-elle faire le troisième.

La ballade des Deux Buveurs est, à notre connaissance, la première qui ait réussi à faire passer le fantastique dans notre poésie, sans que ce soit un fantastique à froid, comme dans les essais de Victor Hugo. La véritable ballade française est dans les poèmes d’Alfred de Vigny, où elle s’inspire du passé, recherchant ses grandes ombres et s’attachant à des noms tels que celui de Roncevaux. Mais, malgré tous les caprices de la tradition, ce n’est pas encore du fantastique, c’est de la légende. La ballade, telle qu’elle a été comprise en Allemagne, par Bürger, par exemple, est un domaine tout nouveau pour nous. Sous ce rapport, le poème des Deux Buveurs a une vé-