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l’idylle. Il possède à un haut degré ce genre d’observation, ou plutôt cette seconde vue, qui appartient au poète et qui est nécessaire pour rendre un objet dans toute sa vérité. Malgré cela, ou, pour mieux dire, à cause de cela, il ne se laisse pas asservir. Sa veine est puissante, son génie est créateur. Même lorsqu’il s’égare, il a droit au respect, parce qu’il ne fait jamais de la poésie pour la forme ; ce n’est jamais la lettre, c’est l’esprit qui est sur le trône. Il a mis son art au service de son ame. Sa période est abondante et bien distribuée ; quelquefois cependant elle se fourvoie en chemin et n’arrive que d’un pied boiteux. Il en est de même de sa conception : elle réclame l’unité, elle n’y atteint pas toujours. Mais ce point demande une attention particulière.

Une profonde unité de conception avec un organisme parfait, voilà ce qu’exige l’idéal suprême de toute œuvre poétique sérieuse. Il faut que, l’idée fondamentale étant donnée, tout en découle, comme par une nécessité logique. Il faut que la vie, partant du cœur, aille nourrir tous les membres, qu’il n’y ait point de chairs mortes, que tout ait sa raison d’être, son but, sa fonction en rapport direct avec l’idée centrale.

Jadis, quand la poésie était un sacerdoce, quand il y avait dans la vie des peuples un centre, une foi réelle, il semble que le barde ait eu son unité poétique en quelque sorte sous la