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» Pleurant à tout jamais, sous ces voiles funèbres.
» Un rayon de lumière, un doux regard d’amour
» De ce Dieu tout-puissant, créateur du vrai jour… »
Un gros rire à ces mots fit trembler la vallée.
À cet étrange bruit, la nombreuse assemblée
Se rappela soudain cette folle gaîté
Du monde, ancien berceau de leur félicité,
Souvenir trop confus des seules jouissances
Qui durent embellir leurs longues existences.
— « Docteur, reprit Satan, orgueilleux animal,
» N’est-on pas clairvoyant quand on est Dieu du mal ?
» D’ailleurs, mes yeux jamais, malgré leur nuit entière,
» Ne pourront oublier la céleste lumière.
» Moi, j’ai vu ce grand Dieu, qu’aujourd’hui je maudis ;
» Je suis un exilé d’un plus pur paradis. »
Puis, en disant ces mots, des pleurs involontaires
Malgré tous ses efforts tombaient de ses paupières.
— « Bravo ! victoire à nous ! dit le vieux charlatan ;
» Je vous prends à témoin, j’ai fait pleurer Satan !
— « Moi ! reprit l’accusé ; tais-toi, c’est un mensonge ;
» Sur ces larmes d’ailleurs je vais passer l’éponge ;
» Écoutez… » Et Satan, droit sur le roc obscur,
Semblable à quelque orfraie au lambeau d’un vieux mur,
Envoya dans l’espace un effrayant blasphème ;
Et sa voix rugissante, au trône de Dieu même,
Comme un gémissement du boulet qui s’enfuit,