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Dans le vieux gobelet que dorait le nectar,
« En dépit des Deux-Cents 9, dont la bouche sévère
» Maudit l’aridité de notre pauvre terre,
» Voyez, major Davel, quelle pure liqueur !
» Le fumet en est doux et retrempe le cœur. »
À ces mots, le soldat, tout fier de sa bravade,
Du doigt, en souriant, lui montrait la rasade.
— « Oh oui ! reprit Davel, l’éclat en est vermeil !
» Buvons-le, sans porter la santé du Conseil,
» Car je suis las, ami, de traîner cette chaîne,
» Et Davel aujourd’hui la briserait sans peine.
» Faudra-t-il donc toujours, qu’au prix de ses sueurs,
» Le Vaudois paie un joug et d’injustes seigneurs ?
» Non, non, il n’est pas loin, le jour de délivrance ;
» Dis-moi, comme Davel, en as-tu l’espérance ?
» Parle, car je crains bien que plus d’un bon Vaudois
» N’adore encor sa chaîne et les seigneurs bernois. »
— « Prenez garde, major, car les vents ont des ailes,
» Et peut-être sont-ils des messages fidèles.
» D’ici jusqu’au Conseil, il est court le trajet ;
» Croyez-moi, discourons sur un autre sujet.
» Aussi bien, nos seigneurs sont de haute naissance,
» Et nous leur devons tous entière obéissance. »
Puis le soldat vaudois, à demi souriant,
Et reprenant sa pipe en homme insouciant,
Sous l’acier du briquet fit jaillir l’étincelle,